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À mi chemin entre le balayage des feuilles mortes d'automne et le grand ménage de printemps, c'est l'heure pour tout le monde des bilans et des inventaires.
En plein hiver et pour démarrer l'année, est-ce vraiment le meilleur moment pour les possibles mauvaises nouvelles ? C'est ce que nous allons essayer de voir en tentant de décortiquer un peu l'année 2007 et les précédentes pour voir si 2008 s'annonce plus radieux avec, on l'espère, un été plus agréable.

Après 6 ans de croissance fulgurante de 2000 à 2006, l'industrie du manga et les observateurs commencèrent à s'alarmer là où l'ensemble de la BD les avait précédés d'une année.
Surproduction? Marché saturé? Tels étaient les termes revenant souvent sur les bouches durant cette année 2007.

Alors qu'en est-il ? Il faut déja savoir que même si le marché du manga a eu la meilleure progression, il n'a pas été le seul à progresser depuis l'an 2000 et c'est tout le marché culturel qui a explosé. En clair, on n'a jamais eu autant accès à la culture. Mais recentrons-nous sur le monde de la BD en France.
Alors que ces 7 dernières années ont vu exploser le nombre de titres, les ventes ont également augmenté mais leur répartition a changé par rapport à il y a 10 ans. On a pu observer une mutation du marché et un phénomène nouveau. Une multiplication de titres avec toujours les blockbusters caracolant en tête en terme de vente, mais suivis par une multitude de titres vendant 10 voire 20 fois moins mais de plus en plus nombreux chaque année et dont la somme des ventes surpasse celle des blockbusters au final.
Et le manga dans tout ça? Eh bien on y retrouve le même schéma avec une douzaine de gros titres parvenant à assurer assez bien la bonne santé des plus gros éditeurs. S'en suit toute une floppée de titres aux ventes bien moindres et plus ou moins rentables selon les éditeurs.

{mosthumbviewer:http://www.manewsexpress.com/images/stories/business/bilan01.jpg,© Tous droits réservés}

Et le marché dans tout ça ? Après sa croissance exponentielle, le marché s'est brusquement arrêté de croître et on peut bien le voir entre 2006 et 2007, le nombre de titres sortis stagne. L'heure n'est plus à la croissance mais à trouver un rythme de croisière. Et c'est ce auquel tous les éditeurs se sont pliés en consolidant leur position. Rachat, rapprochement, lissage ou épuration furent à l'ordre du jour.
Pika se plaçant par rachat sous l'aile protectrice d'Hachette, Asuka divorçant de Soleil pour un mariage plus heureux avec Kaze, Tonkam disant oui à son union avec Delcourt, les petits éditeurs en gardant un rythme tranquille mais sûr, SeeBD en faisant un gros ménage parmi ses titres, son équipe et son site.
On pensait que certains resteraient sur le carreau mais finalement tout le monde répond à l'appel de la rentrée avec un bilan pas forcément si mauvais pour tous car, de manière générale, les ventes ont légèrement augmenté par rapport à 2006. Certes, ce n'est plus le "manga boom" des dernières années mais 2007 ne fut pas le "manga crash" un temps redouté.

Alors maintenant on pourrait croire que trop de titres tue le marché. Mais le raisonnement n'est peut-être pas si évident.
2007 voit une petite augmentation de nouvelles séries par rapport à 2006 avec, parmi elles, une augmentation de séries courtes et de one shot.
D'ailleurs les petites séries présentent un avantage certain. Celui de ne pas avoir le temps d'user les lecteurs. En plus, si l'auteur plait, on relance la machine avec d'autres titres, bénéficiant dès le départ d'un petit public de fidèles.
Pour les grandes séries, en règle général, l'érosion faisant son office sur l'assiduité des lecteurs, vous avez intérêt à partir avec un nombre conséquent de lecteurs à la base pour arriver à la fin de votre série et ne pas peiner sur la fin. On l'a malheureusement vu sur Karakuri Circus et Les enquètes de Kindaichi où, malgré toute les bonnes volontés, les séries se sont vues arrêtées.
En 2007, on voit aussi plus de fins de séries qu'en 2006. Nombre grossis par la quantité plus importante de petites séries terminée sans doute.

{mosthumbviewer:http://www.manewsexpress.com/images/stories/business/bilan02.jpg,© Tous droits réservés}

Il y a aussi un phénomène qui peut nous laisser imaginer que 2008 verra une diminution en terme de vente globale des grosses séries au profit des séries de "2ème rang".
Fruits Basket terminé, Nana suivant la parution japonaise depuis quelques temps, il reste bien les ténors Naruto, Death Note, One Piece, Fullmetal Alchemist, Bleach... mais ces derniers sont en passe de rattrapper l'édition japonaise et, par la force des choses, il est donc temps maintenant de réduire le nombre de sorties par an.
Alors que va-t-il se passer? Chute des ventes de mangas? Peu probable, si l'on en croit la façon générale dont les français consomment le manga. Et surtout en période d'adolescence où en général il nous faut notre dose en intraveineuse pour des petits corps en pleine croissance. Une bonne partie du lectorat trouvera bien un autre titre palliatif et le trouvera dans la "2ème zone"... si les éditeurs les aident un peu à les trouver.

Les précédentes années ont vu le genre action / aventure / baston caracoler en tête mais 2007 a bien mis en évidence un lectorat un peu plus présent, celui de type féminin. Alors qu'il y a quelques années on se retrouvait avec un lectorat du style BD franco/belge donc en grande partie masculin, le lectorat féminin s'est depuis fortement introduit dans le manga. Et certains éditeurs ont quelque peu anticipé en augmentant au fil du temps le nombre de titres de leur catalogue.
D'ailleurs, les annonces de licences de ces dernières semaines tendent à laisser penser que l'année 2008 sera un année privilégiant des titres pour demoiselles. La "Chevauchée des Valkyries" semble en route. Espérons qu'elle ne s'arrête pas en cours de route pour faire du shopping dans les boutiques de vétements. (N'envoyez pas les associations féministes au rédacteur. Il plaisante.)
Et du coup exit la baston? Bien sûr que non, le genre reste une valeur sûre. Mais là où il reste encore pas mal de gros titres pour jeunes filles à découvrir, la majeure partie des gros titres pour garçons est sortie en France et il sera plus difficile de renouveler l'intérêt masculin avec de nouveaux titres issus de la 2ème zone du marché japonais.

{mosthumbviewer:http://www.manewsexpress.com/images/stories/business/bilan03.jpg,© Tous droits réservés}

"Nébuleux est le futur. Même avec la force, difficile à dicerner il est."
Le marché semblerait pouvoir aussi s'orienter vers un autre genre du manga. Celui destiné à de jeunes adultes. Outre que le public jeune se renouvèle bien, le public jeune de ces dernières années vieillit et, dans le futur, il faudra bien lui donner son pain quotidien.
Tout du moins, si sa boulimie est passée, il lui faudra tout de même des titres plus qualitatifs que quantitatifs. D'où l'émergence qui se fait déjà sentir avec des titres aux tons plus adultes qui se vendent déja mieux que ne l'auraient cru certains éditeurs. D'ailleurs l'initiative n'est pas nouvelle et avait déja été enclenchée en 2001 avec des titres à succès comme Monster et s'appuyant sur un lectorat vieillissant. (Même si les titres du genre ne sont pas nouveau avec par exemple L'habitant de l'infini chez Casterman depuis 1995.) Le public actuel étant plus important on peut espérer que le succès sera au rendez vous. Mais tout dépendra de la fidèlité au manga des lecteurs ados.
Toujours est-il que pour ne pas les dégoûter il faudra leur proposer soit peu de gros titres, tout en assurant de grosses ventes, soit une foule de titres aux ventes moindres. Mais avec un point commun pour les deux méthodes: celui de la qualité. Car si le lecteur jeune n'est pas très difficile, le public de fin d'adolescence et de jeunes adultes, l'est bien plus. Et des titres de qualité seront la condition sine qua non pour repartir vers une croissance plus importante des ventes du genre.

Il semblerait que les petits éditeurs puissent tirer leur épingle du jeu car plusieurs d'entre eux proposent déjà un catalogue vers ce public qui, certes reste encore faible sur les ventes du point de vue des plus gros, mais assez rentable et dont les ventes pourraient en plus, augmenter avec la réputation des bons titres au fil du temps.

Du coup en 2007 on peut conclure que le marché n'a pas encore atteint sa maturité et qu'il le sera sans doute d'ici 2009 (?) avec un équilibre de titres pour jeunes garçons et jeunes filles qui resteront majoritaires en quantité de ventes et de titres, mais avec une place bien plus importante qu'elle ne l'est actuellement, de titres orientés vers de jeunes adultes.

 Maintenant interressons-nous aussi aux autres acteurs du manga. Les vendeurs et les lecteurs.
Pour ces derniers, un problème se profile. L'augmentation des mangas. Si celle-ci est inévitable, il n'en demeure pas moins que les récentes augmentations (abusives?) chez certains peuvent constituer un frein à l'achat pour le consommateur chez cet éditeur.
Les vendeurs, eux, sont confrontés à un autre problème que partage une partie des fans... la place. Où ranger tous ces nouveaux mangas déboulant chaque semaine? En moyenne, 28 nouveaux tomes par semaine.
Impossibilité de caser tout ça et de garder les tomes longtemps en rayon car il faut faire "place aux jeunes".
Du coup, les titres ne bénéficiant pas assez (ou pas du tout) d'un plan marketing se voient vite éliminés du circuit et oubliés, tel les premiers "star académiciens" sortant du célèbre château.
Et ne comptez même plus sur votre libraire pour vous conseiller des lectures. Ce dernier passant plus de temps à faire de la manutention pour faire le roulement des titres plutôt qu'à les lire.

Bref, si toutefois le big bang du manga est terminé, gageons que le big crunch n'est pas à l'ordre du jour, que la stagnation momentanée du marché n'est que ponctuelle, que les éditeurs auront le nez assez fin pour dénicher les futures perles/hits et se mettre toujours plus en avant par rapport à leurs confrères pour perdurer dans le milieu.
C'est bien tout le mal qu'on leur souhaite.

 

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