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Parmi les dernières nouveautés en livre, on pourra noter la sortie d'Apocalypse Manga aux Presses Universitaires de France (PUF) par Pierre Pigot . En plus une interview de lauteur part l'éditeur !

Apocalypse Manga

(c) PUF / Pierre Pigot

02/10/2013

256 pages
22.00 €
ISBN : 978-2-13-062146-1
Collection "Perspectives critiques"
N° d'édition : 1
Date de parution : 02/10/2013
Discipline : Histoire / Géographie / Arts

synopsis : Apocalypse manga se propose, sous le signe général de la catastrophe universelle telle qu’elle s’est reconfigurée depuis les deux bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, d’explorer l’oeuvre de plusieurs auteurs de BD japonais ayant travaillé entre les années 50 et nos jours, en manga papier ou dans l’animation. Prenant pied dans la manière dont les dessinateurs ont pu réagir aux drames de la Seconde Guerre mondiale, le livre s’appuie sur des artistes renommés tels que Katsuhiro Otomo (Akira), Leiji Matsumoto (Albator) ou encore Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro), pour donner forme à la fois au portrait d’un pays fixant ses démons historiques dans les pages de ses bandes dessinées, et à une analyse aussi bien esthétique que politique d’un genre artistique encore souvent méprisé. Le livre se conclut avec un manga actuellement très populaire auprès des jeunes, One Piece de Eiichiro Oda, dont il est proposé une approche éthique renouvelant le regard porté jusqu’à présent en France sur ce type de productions commerciales.

Rencontre avec l'auteur :

Après Mickey Mouse (*), les mangas : des USA au Japon, le grand écart ?

Disons plutôt une suite logique, qui s’est imposée à moi dès l’écriture du livre sur Disney : en même temps que le grand empire occidental qui a façonné nos enfances, il me semblait essentiel de considérer cette grande vague orientale qui s’est imposée avec une rapidité si étonnante, et qui nous a ouvert des enjeux radicalement différents. Côté américain, une occultation farouche de l’Histoire ; côté japonais, une obsession angoissée qui ne cesse de ressurgir dans chaque image, fut-elle la plus anodine. Bref, yin et yang, deux jumeaux en concurrence et fascinés l’un par l’autre.

« Apocalypse manga » est un titre intriguant. Qu’avezvous voulu faire dans ce livre ?

En réfléchissant à ce que j’aimais le plus parmi le gigantesque corpus des manga, j’ai pris conscience d’un fil rouge, à la fois historique, esthétique et poétique, qui courait d’une oeuvre à l’autre, depuis les grands ancêtres comme Tezuka jusqu’aux plus récents succès comme One Piece. L’apocalypse selon Akira proclame une catastrophe absolue qui est aussi une pierre militaire du genre : au coeur de ce livre, il se dresse également comme à la fois le nec plus ultra de ce que le manga peut, et un repoussoir éthique pour ce que le manga doit. Si l’apocalypse figure dans le titre, ce n’est que pour être mieux renversée à la fin de ce dernier, avec l’aide du plus inattendu des personnages.

Les mangas ont un énorme succès en France : émanant d’un univers culturel si lointain du nôtre, pourquoi leur imaginaire suscite-t-il autant d’écho en nous, Occidentaux ?

Il y a d’abord une longue histoire de fascination mutuelle entre Japon et France, qui remonte au XIXe siècle, et qui n’a pratiquement pas d’équivalent en Occident. Il y a aussi, je pense, un immense besoin d’air frais, de nouvelles sensations, de propositions graphiques qui puissent rompre le ronronnement confortable que la tradition francobelge était devenue. Contrairement à ce que beaucoup de réfractaires pensent, le manga ne nous a pas envahis : ll était au contraire avidement attendu...

La figure des grands mangakas reste peu connue, voire peu analysée. Qu’avez-voulu nous dévoiler d’eux dans votre ouvrage, notamment en prenant des exemples chez des contemporains ?

D’abord, j’ai voulu leur rendre hommage en tant qu’artistes à part entière. Non en les comparant paresseusement à tel ou tel grand peintre de l’histoire de l’art « certifiée », mais en travaillant sur leur oeuvre même, telle qu’elle fonctionne, telle qu’elle nous parle, telle qu’elle se relie intimement à des traditions de longue durée. Parler de la bande dessinée est une tâche ardue, qui nécessite avant tout de se défier de tout dogmatisme intellectuel, de tout jargon superflu censé « dignifier » son objet. Rien que la pensée de l’artiste, telle qu’elle se déploie d’image en image, telle qu’elle parle et nous parle : c’est la meilleure base de travail

Que nous dit le manga sur nous-mêmes ?
Le manga nous montre ce que nous nous efforçons d’oublier, et nous parle de ce qu’il nous faut sans cesse réélaborer : de la monstrueuse violence des hommes, de la poésie intime du monde, de la nécessité impérieuse de sans cesse bâtir des liens puissants entre les êtres afin d’affronter la destruction. Il nous parle aussi de notre absurdité, de notre vulgarité. Bref, il est à l’image de la vie, telle qu’elle se présente sans travestissement, avec ses néons, ses rires et ses pulsions.

Quel est votre manga préféré ? Votre personnage favori ?
One Piece d’Eiichiro Oda est l’un des récits les plus drôles, les plus riches et les plus beaux que j’aie découvert, ces dernières années. Qu’on le croie encore réservé aux seuls jeunes adolescents est une chose qui m’attriste. Son héros, Monkey D. Luffy, est l’un des rares personnages de la culture populaire dont on puisse intégralement dire, justement, qu’il est notre héros, celui qu’on suivrait aveuglément partout. A un même niveau de puissance éthique, il n’y a peut-être que le Docteur Who qui pourrait être son authentique rival – un sujet de livre en soi, peut-être ! ■

Pierre Pigot

Historien de l’art, écrivain, critique, Pierre Pigot est membre sur Internet du collectif Fric-Frac Club, et travaille au croisement des cultures populaires et classiques. Il est déjà l’auteur de L’Assassinat de Mickey Mouse (Puf, 2011).


source : PUF / Manga-news